Auteur : Jean luc CLEMENT
DR Jean-Luc CLEMENT
Chef du service de chirurgie pédiatrique et chirurgie des scolioses.
Hopital Lenval - 57 avenue de la Californie ? 06200 ? NICE
jean-luc.clement@lenval.com
Déformation rachidienne de la colonne vertébrale, la scoliose
doit s?analyser dans les trois plans de l?espace. De face, elle
constitue la déviation classique, le coté de la convexité définissant
le coté de la scoliose. De profil, elle s?accompagne d?une
inversion des courbures physiologiques aboutissant au dos plat. Dans le plan
horizontal, elle est caractérisée par la rotation vertébrale,
responsable de la gibbosité.
La scoliose pose de nombreux problèmes. Quelle est sa pathogénie?
Comment connaître son pronostic ? Comment la dépister et organiser
sa prévention? Comment mettre en œuvre un traitement efficace
? Quelle est l?objectif et la place de la chirurgie ? Beaucoup a été fait,
beaucoup reste à faire...
Certaines scolioses sont secondaires et peuvent être dues à une malformation vertébrale congénitale (hémivertèbre), ou bien à une affection neurologique (paralysie cérébrale), à une maladie du tissu conjonctif (maladie de Marfan), à une dystrophie osseuse (maladie de recklinghausen)... Mais pour la plupart, les scolioses n?ont pas de cause reconnue et sont dites idiopathiques. Ce terme cache en fait notre ignorance. Les hypothèses étiologiques permettent de penser que la scoliose idiopathique a une origine multifactorielle avec au premier plan le facteur génétique. 80% des scolioses idiopathiques surviennent chez les filles. La croissance joue un rôle majeur dans l?évolution de la scoliose.
Ce n?est pas devant des douleurs que l?on sera amener à découvrir
une scoliose mais plutôt devant un trouble morphologique constaté par
la famille, par le médecin traitant ou le médecin scolaire.
Une asymétrie de la taille, le décollement d?une
omoplate, la surélévation d?une épaule
attirent l?attention. La gibbosité que l?on objective
et mesure sur le patient penché en avant, signe la scoliose
(fig.
1). Dés lors il faut faire réaliser un grand cliché radiographique
du rachis, en entier, sur grande plaque, debout, de face et de profil.
On mesurera l?angle de la courbure et des contre-courbures.
On appréciera la rotation vertébrale (fig.
2). Les clichés couchés sont peu informatifs et
inutilement irradiants. Seul l?examen clinique répété permet
de dépister une scoliose, il n?y a pas de place pour
la radiographie systématique de dépistage.
A ce stade l?appréciation des repères de croissance est
essentiel pour apprécier le risque évolutif : taille debout et
assise du patient et de ses parents, signes de développement pubertaire,
date des dernières règles, âge osseux (main gauche de face),
ossification des crêtes iliaques (risser).
Prendre en charge une scoliose suppose d?en connaître
l?évolution naturelle. L?évolution angulaire
d?une scoliose se fait selon une courbe qui possède
trois périodes distinctes (fig.
3). Dans la période de l?enfance, la pente de la
droite est douce et la scoliose faiblement évolutive. A partir
des premiers signes pubertaires, et jusqu?à la fin de
la croissance, la pente est plus raide et la scoliose devient très évolutive
(en moyenne 1 degré par mois). Après la fin de la croissance
la scoliose n?est plus évolutive si l?angulation
est inférieure à 35 ou 40°. Au delà de ces
angulations, la scoliose de l?adulte continue à s?aggraver
sournoisement de 1 degré par an.
Ceci constitue en fait un cadre général susceptible de s?appliquer
aux scolioses évolutives mais qui ne s?applique pas à toutes
les scolioses. Certaines scolioses ne sont et ne seront jamais évolutives
(12% à 70% selon les auteurs). Certaines sont dites malignes et ont
une évolution beaucoup plus sévère. C?est là qu?interviennent
les éléments pronostiques tels que la topographie de la courbure,
l?âge de découverte et l?angulation de départ.
Le pronostic est complètement différent entre une scoliose thoracique
juvénile de 30° chez un enfant de 4 ans et une courbure de même
angulation, double majeure réputée plus stable, chez une adolescente
de 14 ans déjà réglée qui est proche de sa fin
de croissance.
Enfin, l?histoire de la scoliose à l?age adulte est marquée par les lombalgies avec radiculalgies pour les courbures lombaires et dorsolombaires, liées à l?arthrose et aux dislocations rotatoires. Ces instabilités vertébrales sont très invalidantes (fig. 4). Les scolioses dorsales importantes sont responsables d?une insuffisance respiratoire avec constitution d?un cœur pulmonaire chronique. La mortalité à 50 ans de la population, porteuse de scolioses sévères, est trois fois supérieure à la normale.
Il est dans les « habitudes » de traiter la scoliose
par de la rééducation. Il faut clairement dire qu?elle
n?est pas seule capable d?arrêter l ?évolution
d?une scoliose dont on a la preuve évolutive. Elle est
facultative au cours de la simple surveillance des scolioses et ne
doit pas remplacer les activités sportives qui sont à encourager.
Les résultats que l?on obtient avec les traitements par corset,
nous ont montré que l?on ne sait pas corriger une scoliose mais
que l?objectif est de stopper l?évolution. On cherche donc,
avec des traitements les moins contraignants possible, à amener le patient
, en fin de croissance, avec une angulation qui ne sera pas supérieure à l?angulation
de départ. C?est dire qu?il faut traiter le plus tôt
possible, à faible angulation, à condition d?avoir absolument
la preuve que la scoliose s?aggrave spontanément. L?utilisation
de corsets polyéthylènes, faits sur mesure, très réducteurs,
permet par un simple port à mi-temps nocturne d?atteindre cet
objectif (fig.5).
Au delà de 40°, le traitement chirurgical est nécessaire
pour corriger la déformation et mettre à l?abri
d?une évolution inéluctable à l?âge
adulte. L?opération consiste à mettre en place
une instrumentation vertébrale qui assure la correction de
la déformation et à réaliser une arthrodèse
vertébrale destinée à maintenir le résultat
pour le long terme. Des progrès que l?on peut qualifier
de considérables, ont été réalisés
ces dernières année. Les nouvelles instrumentations
vertébrales permettent des corrections très satisfaisantes.
Les résultats sont illustrés par les figures
6 et 7.
La correction morphologique est de qualité, la réduction
de la courbure est en moyenne de 70%.
Parallèlement,
la chirurgie de la scoliose se fait dans de meilleures conditions
de sécurité. Le monitoring peropératoire de
la moelle épinière par la réalisation des potentiels évoqués
neuro-moteurs, en continu, pendant l?intervention, a pour but de faire
disparaître les rares complications neurologiques.
Les progrès de l?anesthésie ont rendu possible la réalisation
de doubles abords, antérieurs et postérieurs, dans la même
séance opératoire. Les techniques d?économie de
sang et d?autotransfusion (dons programmés, recueil peropératoire,
hypotension contrôlée, érythropoeitine?) permettent
de ne pas avoir recours à l?hétérotransfusion. La
meilleure prise en charge de la douleur diminue beaucoup le stress de l?intervention
et simplifie considérablement les suites.
Enfin les techniques de chirurgie video-assistée mini-invasive telles
que la thoracoscopie ou la laparoscopie retro-péritonéale, permettent
de réaliser de façon simple des gestes complémentaires
parfois nécessaires.
Compte tenu de tous ces progrès, cette chirurgie autrefois réservée à l?adolescent,
peut aussi être réalisée chez l?adulte dans de bonnes
conditions de sécurité. Pour répondre à cet objectif
sécuritaire, le centre de traitement des scolioses réuni toutes
les compétences pour mener à bien le traitement multidisciplinaire
d?une telle affection.
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